« Accepter l’aide d’autrui, ça s’apprend »
Les proches des personnes atteintes d’Alzheimer et d’autres formes de démence assument une grande partie du travail d’accompagnement et de soins. Pour ne pas atteindre leurs limites, ils ont besoin d’être déchargés. Le prof. Dr Stefan Neuner-Jehle, de l’Institut de médecine générale, de l’université et de l’hôpital universitaire de Zurich, explique ici à quoi doivent s’attendre les proches et les encourage à prendre soin d’eux-mêmes.
auguste : Monsieur Neuner-Jehle, vous menez depuis de nombreuses années des recherches sur des personnes atteintes de diverses maladies, dont certaines sont chroniques. Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ?
J’ai toujours eu à cœur de m’occuper des personnes particulièrement touchées et moins privilégiées, même en qualité de chercheur. De plus, le nombre de malades chroniques et multimorbides ne cesse de croître, ce qui rend la recherche plus pertinente, notamment quant aux formes adéquates de prise en charge. Souvent, les personnes âgées sont exclues des grandes études car, sur le plan méthodologique, elles représentent un « risque » pour le succès de l’étude. Il en résulte des lacunes quant aux connaissances sur les malades chroniques et les patients multimorbides.
En qualité de spécialiste, comment accompagner au mieux les personnes touchées par la démence ?
La présence d’un interlocuteur compétent et empathique me paraît cruciale. Le fait que les personnes concernées aient quelqu’un à qui s’adresser en cas de besoin est déjà d’une grande aide. Il est également important que les échanges aient lieu sur un pied d’égalité, de valoriser l’énorme travail des proches et de trouver ensemble des solutions pragmatiques.
Votre projet de recherche vise à ce que les proches soient accompagnés dans leur recherche d’offres de soutien et dans la mise en place d’un réseau de répit. En quoi y a-t-il matière à amélioration dans ce domaine selon vous ?
Cette lourde tâche ne devrait pas être confiée aux proches, qui atteignent déjà leurs limites avec la prise en charge directe. Malheureusement, la collaboration interdisciplinaire et interprofessionnelle est encore un grand chantier, ce qui n’est pas sans rapport avec le fractionnement de notre système de santé. La coordination est indispensable mais coûteuse, en particulier pour les malades chroniques ou multimorbides, qui sont pris en charge par différentes disciplines et professions : du temps est requis en dehors de la prise en charge directe, de même que des canaux de communication efficaces et qu’une rémunération décente pour les efforts fournis. Tout cela est rare, ou encore en cours de développement dans notre système de santé.
À quoi les proches doivent-ils prêter une attention particulière ?
Les proches confrontés à des situations de prise en charge lourdes doivent impérativement veiller aussi sur eux-mêmes, pourvoir à leurs propres besoins et se dégager du temps libre. Plus facile à dire qu’à faire dans cette situation. Pour beaucoup, échanger avec d’autres personnes et avec des experts est crucial : il est bon de savoir que l’on n’est pas seul. Il ne faut pas oublier que la capacité à accepter l’aide d’autrui est quelque chose qui s’apprend. Dernier conseil aux personnes concernées : malgré tous les moments pénibles, il s’agit, dans la mesure du possible, de profiter en conscience des moments plus calmes passés avec la personne malade. Ces instants de proximité et de paix permettent de recharger les batteries et de se rappeler pourquoi on s’engage autant pour son prochain.
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