Il y a huit ans, Sujitra Arbeiter a reçu un diagnostic de démence fronto-temporale. À l’époque, l’épouse de René et maman de Svenja n’avait que 55 ans. Depuis, le père et sa fille sont confrontés aux difficultés liées à cette forme de démence. La plus douloureuse : voir la personnalité de Sujitra changer. Sous l’effet du stress, elle devenait agressive, griffait, mordait ou frappait, même en public. Elle volait dans les magasins, si bien que la police a dû intervenir plus d’une fois.
Retrouver sa propre vie
septembre 2021
Parallèlement, cette Thaïlandaise d’origine qui parlait couramment trois langues ne parvenait presque plus à s’exprimer.
Malgré tout, René et Svenja, tous deux dans la vie active, étaient là pour elle. Ils ont tout enduré, jusqu’à ce que leur propre santé en souffre. « Je me réveillais chaque nuit après deux heures et je cogitais », raconte René. À l’époque, ce chef d’équipe a dû trouver un nouvel emploi et mettre de côté sa passion, la photographie. « Je n’avais plus de vie », rapporte-t-il. C’est la neurologue de son épouse qui, lors d’un rendez-vous, lui a fait remarquer qu’il devait aussi prendre soin de lui. « Elle m’a dit : Monsieur Arbeiter, votre épouse est rayonnante. C’est pour vous que je m’inquiète ! »
« J’étais une maman pour ma maman »
C’était le déclic nécessaire. Pour la toute première fois, René a cherché une place de vacances pour son épouse et est parti faire de la randonnée en Valais. « Il a fallu du courage pour leur confier ma femme », explique-t-il. « Oui, j’ai dû te pousser. Tu minimisais la charge sur tes épaules », ajoute sa fille de 26 ans. Elle faisait un apprentissage de conceptrice graphique lorsque le diagnostic de sa mère est tombé. Malgré ses responsabilités familiales, elle a terminé sa formation avec mention avant de devenir une véritable maman pour sa maman. Elle s’est occupée d’elle, a consulté des spécialistes et lui a trouvé, avec l’aide du service de soins à domicile, une activité au sein d’une entreprise sociale lorsque la maladie le permettait encore.
« Alors que mes amis envisageaient l’avenir, je négligeais complètement ma propre vie », se souvient Svenja. Sa santé psychique ne cessait de se dégrader. Au plus bas, elle a cherché une aide thérapeutique. « Depuis, les choses se sont améliorées », note-t-elle soulagée. Artiste en herbe (www.skyrenia.com), elle est retournée à la vie active et a emménagé dans son propre logement.
Les bons moments
Prendre soin de soi signifie ne pas tirer un trait sur sa propre vie. Le père et la fille en sont désormais conscients. Échanger avec d’autres proches au sein du groupe d’entraide d’Alzheimer Zurich et sur Facebook leur fait également du bien. De plus, la famille a pu compter sur l’aide d’un gestionnaire de cas, payé de leur propre poche, afin d’y voir plus clair en matière d’assurances. René et Svenja estiment qu’être accompagnés par une telle personne polyvalente leur aurait été utile dès le début.
Depuis peu, Sujitra Arbeiter vit dans un EMS spécialisé. Son mari et sa fille ont retrouvé davantage de liberté, bien que la douleur émotionnelle et les craintes financières persistent. Tous deux souhaitent déstigmatiser le sujet de la démence. « Il est essentiel pour nous, proches, de pouvoir en parler », explique Svenja. Les écouter permet de réaliser que la maladie n’empêche pas les bons moments. Les voyages à moto de René avec sa femme à l’arrière, heureuse. Les nouveaux côtés plus doux que la fille a appris à connaître chez sa mère. Svenja en est convaincue : en savoir plus sur la démence soulagerait à la fois les personnes atteintes et les proches.
Émission de la radio suisse alémanique Kontext avec René Arbeiter :
© SRF Kontext
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